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Représentation en Belgique
Article d’actualité31 mars 2023Représentation en Belgique7 min de lecture

Il y a un an, le massacre de Boutcha: cartographie d'une année de déni du Kremlin

Le texte qui va suivre est la traduction d’un article du site EUvsDisinfo. Chaque jour, EUvsDisinfo repère, analyse, met à jour et démonte les multiples fakenews générées et disséminées par la propagande russe.

Bucha
EEAS

Au début du mois d'avril 2022, on apprenait que les forces militaires russes avaient tué des dizaines de civils dans la ville ukrainienne de Boutcha. La propagande russe s’enclenchait, multipliant les fausses informations sur ce massacre et faisant progressivement apparaître une nouvelle génération de mensonges.

Il y a un an, à la fin du mois de mars 2022, les forces armées russes perdaient la bataille de Kiev, qui avait commencé par un assaut aérien aux premières heures du 24 février. La courageuse résistance ukrainienne avait contraint les troupes russes à se retirer de la ville de Boutcha dans le cadre d'une retraite plus large de la capitale. Immédiatement, des rapports firent état de la présence cadavres dans les rues. Nombre d'entre eux étaient des civils ukrainiens exécutés, les mains liées dans le dos. Des photos macabres accompagnaient les récits des témoins oculaires locaux.

Depuis le massacre, de multiples enquêtes, dont un rapport détaillé des Nations-unies, ont établi la culpabilité de la Russie dans ces attaques.

Nous examinons ici ce qui s'est passé après les meurtres. De quelles tactiques le Kremlin a-t-il usé pour tenter « d'embrouiller » le monde, se soustraire à ses responsabilités et minimiser les conséquences de ces crimes vraiment odieux ?

 

Pour comprendre le jeu du Kremlin : retour sur le vol MH-17

Le comportement habituel du Kremlin lorsqu'il est pris en flagrant délit s’est alors matérialisé.

Nier, nier, nier. Blâmer les autres. Faire monter les enchères avec des histoires à la limite de la fantaisie. Ne jamais s’excuser. Ne jamais admettre. Ne jamais se repentir. Ne jamais tenir les agents sur le terrain pour responsables. Au lieu de cela, inventez. Au fil du temps, les propagandistes pro-russes ont utilisé de fragiles mensonges pour en construire une véritable architecture, très élaborée.

Un exemple type : la myriade de mensonges diffusés après la chute du MH-17, un avion de ligne malaisien détruit le 17 juillet 2014 par les forces russes, tuant les 298 personnes à son bord. Il en va de même pour les tentatives de dissimulation de Moscou après les horribles attaques sur Marioupol au printemps 2022. Lire l’article

 

Dire tout, n'importe quoi et le crier sur les toits

Les premiers récits du Kremlin sur Boutcha étaient souvent contradictoires et donnaient l'impression d'être bâclés. L'objectif était probablement de faire le plus de bruit possible afin de détourner l'attention de l'horreur de la réalité émergente à l'intérieur de la ville, située juste au nord-ouest du centre de Kiev.

En avril-mai 2022, les médias pro-Kremlin ont affirmé que l'Ukraine avait dû mettre en scène le massacre. Mais les commentateurs des médias d'État ont également affirmé que Washington, Londres et Bruxelles l'avaient mis en scène. Ou encore que le directeur d'une chaîne de télévision musicale ukrainienne était le coupable.

Selon les responsables russes, les médias d'État ou les principaux propagandistes (voir le lien), quel que soit l'auteur, ce massacre est aussi faux que les allégations occidentales concernant les attaques à l'arme chimique du président syrien Bachar Assad. Tout aussi faux que le massacre de Srebrenica, une mise en scène, sans preuve, ou simple abominable mensonge. Nier, nier, nier.

Peu après, les médias ont commencé à diffuser un remake des histoires concernant le vol MH-17, en imaginant de prétendus "détails techniques" étranges pour créer l'illusion d'une connaissance experte de l'intérieur. Désormais, l'absence de sang et la rigidité des corps montrait que les victimes du massacre avaient été tuées après le départ des Russes le 30 mars. Plus incroyable encore : les victimes étaient vivantes. Les cadavres auraient été joués par des acteurs placés dans les rues pour les photographes, parce qu'ils semblaient bouger. Ou bien : les cadavres étaient ceux d'Ukrainiens pro-russes tués par les forces armées ukrainiennes en entrant dans la ville, soit par exécution, soit peut-être par des tirs d'artillerie.

 

Au revoir les histoires abracadabrantes, place à la conspiration !

Le problème avec la désinformation, c'est que ces multiples histoires, même si contradictoires, renforcent le sentiment de confusion ou d'incrédulité à l'égard d'une explication vraie, bien étudiée et documentée. L'esprit humain est curieux et attiré par les scandales et les rumeurs, à la recherche de réponses à l'inexpliqué. Le manipulateur habile n’a de cesse d'ajouter des éléments qui suscitent l’intérêt et détourne l'attention de la vérité. L'apparition d'histoires changeantes et contradictoires n'est pas accidentelle, elle est voulue.

Ces histoires puisent souvent dans l'univers des théories du complot. Elles ouvrent ainsi les portes à ceux qui cherchent des raisons profondes et cachées aux problèmes et conflits. La conspiration est au cœur de la plupart des manipulations pro-Kremlin et ce dans la plupart des domaines politiques. Plongez dans les plus de 1 700 exemples de cas de notre base de données pour sonder l'univers de la conspiration.

Ainsi, jusqu'en avril 2022, les médias pro-Kremlin ont également proposé des raisons pour lesquelles l'Ukraine se livrerait à de telles horribles mises en scène, en ayant recours à des acteurs ou en utilisant des cadavres (voir le lien) : peut-être voulaient-ils faire échouer une percée imminente dans les négociations entre la Russie et l'Ukraine ? Justifier de nouvelles sanctions contre la Russie ? Détourner l'attention des images montrant des Ukrainiens torturant des prisonniers de guerre russes ? Ou des biolaboratoires militaires financés par les États-Unis en Ukraine ? Il doit certainement y avoir un loup!

 

Mensonges, maudits mensonges et conséquences

Les organes de désinformation russes ont diffusé cette première génération de récits en avril et début mai 2022. Ils les ont ensuite transformés en histoire, affirmant que la Russie était incapable de commettre le moindre crime de guerre. Les preuves d'autres crimes étaient par conséquent fausses. L'idée d'une "fausse Boutcha" est devenue un modèle pour discréditer toutes les atrocités commises par les troupes russes.

Cela peut sembler pervers, mais il existe une certaine prétention à "connaître la véritable histoire de Boutcha". C'est pourquoi les principaux propagandistes russes, tels Vladimir Solovyov et d'autres, passent à l'offensive et mentionnent Bucha de manière proactive.  Cette tactique permet de qualifier de "russophobes" les critiques qui mentionnent Bucha ou d'autres atrocités, ce qui constitue une autre tour de passe-passe classique du Kremlin.

Autre exemple : des missiles russes auraient frappé un centre commercial dans la ville ukrainienne de Kremenchuk le 27 juin. Les médias pro-Kremlin ont rejeté les informations relatives à cette attaque en la qualifiant de "provocation ukrainienne similaire à Boutcha". En août, un commentateur a affirmé que l'Occident combattait la Russie par des "opérations psychologiques", dont la mise en scène du "massacre de Boutcha".

En septembre, l'Ukraine lançait une contre-offensive à partir de Kharkiv, libérant rapidement les territoires occupés par la Russie. Moscou a eu du mal à expliquer comment et pourquoi, mais des rapports ont rapidement fait état de la découverte de fosses communes près de la ville libérée d'Izyum. Certains corps retrouvés présentaient des traces de torture. Fidèles à leur habitude, les propagandistes russes ont qualifié ces informations de "Boutcha 2.0". Nous avons publié un démenti de ces affirmations.

 

Retrait = geste de bonne volonté et Qui a parlé de tuerie ?

Au début de l'année 2023, un autre récit est apparu. S'adressant principalement aux hispanophones d'Amérique latine et aux francophones d'Afrique, il est une réitération épurée de ses prédécesseurs avec moins de contradictions. Ses mensonges sont également plus scandaleux.

Parmi ses affirmations, le récit prétend, mensonge affirmé avec aplomb impressionnant, que les soldats russes n'ont pas été chassés de Boutcha mais qu’ils ont quitté la ville dans un "geste de bonne volonté de la part de Moscou". Il affirme également que les autorités ukrainiennes n'ont pas fourni de rapports médico-légaux "détaillés et vérifiés" sur les décès de civils, malgré les nombreux rapports que les équipes médico-légales ont déjà rédigés ou qu’ils sont en train de rédiger.

 

Un passé perfide ouvre la voie à de nouveaux mensonges

Pendant des années, voire des décennies, la désinformation pro-Kremlin a préparé ses publics, étrangers et nationaux, à l'accusation selon laquelle la Russie n'est jamais à blâmer, mais qu’elle est toujours victime de russophobes intrigants qui tentent de nuire à son peuple, de salir son histoire et de détruire son État.

La prochaine fois qu'une atrocité sera découverte, préparez-vous à subir une tempête de désinformation, mais restez calme et rejetez le jargon du Kremlin. Souvenez-vous de Boutcha. Un bref compte-rendu visuel est disponible ici ?

 

Traduction de The Bucha massacre: mapping a year of Kremlin denial par EUvsDisinfo

 

Plus d’info

Solidarité de l’UE avec l’Ukraine

 

Détails

Date de publication
31 mars 2023
Auteur
Représentation en Belgique